Au Old Vic, théâtre bicentenaire, Just For One Day sera en représentation jusqu’au 30 mars. Retour sur un spectacle marquant sur… un spectacle encore plus marquant.

WE COULD BE HEROES

Hier, c’était la cérémonie des Oscars. Un récap succin ? Oppenheimer, rose, scénario. Politique ? Pas de ce que j’ai pu voir. Mais alors, l’art ne parle plus de politique ? Bien sûr que si. Il suffit de savoir où regarder.

Je me concentre aujourd’hui sur une comédie musicale qui retrace l’un des évènements les plus marquants de l’histoire du rock. Le Live Aid. Sans revenir sur tous les détails de l’évènement, je rappelle quand même ses grandes lignes. Ce concert a eu lieu le 13 Juillet 1985, au stade Wembley de Londres, et au John F. Kennedy Stadium de Philadelphie. Retransmit à travers le monde à la télévision, cet évènement avait pour but de lever des fonds d’aide humanitaire pour endiguer la famine en Éthiopie. Un évènement au but concret, poignant et important.

Quasiment 40 ans plus tard, il est temps d’en parler aux jeunes générations, celles et ceux pas encore nés et qui ne peuvent se rendre compte de l’importance et de l’impact émotionnel que ce concert a eu. Et comment pouvons-nous le comprendre entièrement ? Nous n’étions pas là. Eh bien Just For One Day est une comédie musicale jukebox qui offre un aperçu de ce que c’était. Les titres, on les connait tous si on écoute du rock. Et même sans aimer ce genre-là, ce sont des titres bien trop gros pour tomber dans l’oubli.

UN CASTING IMPRESSIONANT

Sur scène Craige Els joue Bob Geldof – légende vivante au caractère de cochon. Punk dans l’âme, c’est un fait connu. Pas dénué d’humour, il émeut aux larmes quand il montre ses convictions, passionné et heurté, notamment en face d’Amara, médecin en Éthiopie, interprétée brillement par Abiona Omonua. Eux deux sont bien entourés. En effet, Jackie Clune et Hope Kenna, toutes deux Suzanne, une spectatrice ultra fan, respectivement en 2024 et en 1985, Jack Shalloo en Midge Ure, autre créateur du projet originel et voix de Ultravox, Julie Atherton en Margaret Thatcher, et l’ensemble ultra talentueux sont tous et toutes fantastiques.

Pour les titres, en vrac, on trouve, Heroes de Bowie, Bad de U2, Pinball Wizard de The Who, We Are The Champions de Queen… Des titres interprétés lors de ce concert, bien sûr. Les reprises sont fortes, funs, justes dans l’intention de la narration autant que dans le jeu du cast. Mais certaines retiennent plus mon attention que les autres. Je pense à Message in a Bottle de The Police qui clôt le premier acte avec une force et une poigne incroyable, avec cette chorale, cette ligne orange sur fond noir, et cette émotion qui porte le besoin collectif d’agir.

Mais aussi au moment le plus drôle : I’m Still Standing de Elton John en duo en confrontation entre Bob et Margaret. Parce que, Madame Thatcher qui chante du Elton John pour avancer son argument, en gigotant le sourcil, c’est, en effet hystériquement hilarant. Ce moment se complète avec le seul titre écrit pour le show, par Geldof lui-même, Mrs T Mr G, qui n’est pas sans rappeler l’énergie de Sylvia et Hamilton. Il rajoute un petit peu de modernité, beaucoup d’humour sur un moment austère et absurde à la fois dans la réalité.

IMPULSIF ET IMPARFAIT : VIVANT

Dans son décor relativement simple (des écrans derrière le groupe surélevé dans le fond de la scène, des projecteurs et des gradins amovibles), le spectacle reconnait aussi les erreurs du projet. Le syndrome du White Saviour, de l’ancien colon qui se sent l’âme d’un héros fait partie des problématiques soulevées par la jeune génération. C’est à elle que qui ceux qui ont vécu et organisé l’évènement expliquent et racontent ce qui s’est passé et comment. Bien sûr, le souvenir romance parfois les choses, mais c’est aussi très honnête que de le reconnaitre.

Le concert a été organisé sur un coup de tête, avec la force de caractère de Geldof et Ure. Et avec beaucoup, beaucoup de prises de risques insensées déjà à l’époque et simplement impossible aujourd’hui. Par exemple, lorsque Geldof annonce à la presse qui participe au concert (Sting, Queen, Bowie, etc.), appelle les artistes pour leur dire que les autres participent… c’est du bluff, c’est du culot, c’est aujourd’hui, avec les réseaux, impensables.

ET MAINTENANT ?

Pourtant c’est bien comme ça que en deux mois à peine, le concert caritatif s’est fait et a ému des milliers de personnes à travers le monde et lever plus de £150 millions pour l’Éthiopie. Pas sans son lot de problèmes et de controverses avant et après le concert, comme je l’ai dit plus haut. Avec nos yeux de 2024, oui, s’il fallait refaire la chose, ce sera totalement diffèrent. Mais c’est peut-être l’urgence de la situation et de sa construction qui en a fait un évènement si important.

Est-ce possible de faire pareil aujourd’hui ? Pourrions-nous voir un concert de charité contre la famine qui se propage en Palestine ? Malheureusement, je n’en suis pas sûr… Cependant je pense que ce qui s’en rapproche le plus, ce sont les évènements caritatifs des gamers, comme Speedons ou l’ancienne version du ZEvent – en tout cas en France. Chacun a son lot de problématiques – quoique bien différentes que Live Aid et sa suite Live 8. Mais alors, un concert, comme ça… eh bien force est de constater que je n’arrive pas à imaginer quelque chose du même acabit. Pourtant, je suis certaine que Taylor Swift, Ed Sheeran, Megan Thee Stallion, et Lady Gaga pourrait le tenir. La différence serait dans le genre – plus pop moins rock – et dans le prix des billets. Pour la bonne cause, et juste pour un jour…  

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: THE OLD VIC – MANUEL HARLAN

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