Vincent Peake : un gars très nice qui me reçoit chez eux

15h03, lundi après-midi. Je cherche Vincent Peake au parc Émilie-Gamelin, endroit bucolique du secteur Ville-Marie qui épate par sa faune bigarrée, ses contenants de Polar Pop jetés par terre et les regards incisifs des gens qui cherchent quelque chose.

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15h15 : toujours aucune trace du chanteur de Groovy Aardvark. Pour être franc, ça fait un bout que j’ai vu de quoi il a l’air de proche, donc peut-être que mes souvenirs sont flous.

«Bonjour monsieur, êtes-vous Vincent Peake?»

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Je m’apprête à lâcher prise quand, finalement, un courriel entre. Vincent m’a cherché, lui aussi, pendant 20 minutes, et là, il est chez lui, à quelques rues de là, pas trop loin.

Arrivé sur place, Vincent m’accueille avec un divan douillet et un verre d’eau, et m’explique sa situation technologique : «Je suis un irréductible non-cellulaire. Pour les besoins de la cause, ça me manque parfois, comme quand je te cherchais, mais généralement je fais très bien sans.»

«En passant, félicitations pour votre nomination!» ajoute-t-il, en référence à la mention du mystérieux blogue FEU À VOLONTÉ dans la catégorie Média de l’année au GAMIQ.

Merci man.

Je reviens sur mon expérience au parc Émilie-Gamelin, et Vincent en a beaucoup à dire sur le sujet. «À un moment donné, la police est arrivée et s’est mis à checker tout le monde. M’ont demandé ce que je faisais là… J’ai pas l’air trop louche, mais ils prennent pas de chance», raconte-t-il. «Ça brasse dans le coin ces temps-ci, même si on se fait pas écoeurer. Y’a eu des hate crimes récemment, genre du gay bashing, dans les trois dernières semaines. Chu sûr que c’est la même criss de gang qu’avant. C’est pas cool.»

On change de sujet éventuellement pour parler de d’autres affaires, moins deep.

Vincent Peake a été choisi, aux côtés de Koriass, comme porte-parole pour la 20e édition des Francouvertes. Au lieu de continuer de surfer sur la vague folk qui règne sur le concours depuis le sacre d’Adamus, les organisateurs ont décidé d’aller chercher le maître-gaillard du rap québécois et le grand manitou du rock underground montréalais.

Audacieux.

«C’est la 17e année que je collabore avec les Francouvertes cette année. J’étais là en 1998 comme juge, dans le temps que ça se passait au Zeste dans l’est», relate-t-il. «Pour moi, c’est un concours valable, une vitrine très importante pour la relève, c’était juste normal que j’accepte leur offre.»

Pour Peake, le fait que Koriass fasse du hip-hop et qu’il soit établi à Québec est une force pour le concours. «C’est gagnant géographiquement ET musicalement», souligne-t-il. « À date, on s’est rencontrés une fois pour un meeting. C’est un gars très sympathique. On va collaborer ensemble à la finale. On a aucune idée de ce qu’on va faire encore.»

Il va sans dire que Vincent était prêt pour LA question corsée de l’entrevue : «Koriass et toi, vous n’avez jamais participé à des concours d’envergure, et ça ne vous a pas empêchés d’avoir une carrière florissante… Y’a pas un paradoxe dans ce choix-là d’être porte-parole?», questionne-je.

«Peut-être… Groovy Aardvark, c’était un genre de band très en parallèle de la norme musicale au Québec. À l’époque, anyway, les concours comme Esprit CHOM ou L’empire des futures stars marchaient pas pour nous», répond-il, avant de se recentrer sur les Francouvertes.

«Je suis pas du tout un fan de concours à la base, mais je suis un fan de celui-là… pour la simple et bonne raison que n’importe quel band qui s’inscrit là va avoir été écouté par un panel de jurés qui va prendre le temps de leur écrire des commentaires.»

Il y va d’un exemple assez significatif : «Louis-Jean Cormier m’a déjà dit que la meilleure affaire qui soit arrivée à Karkwa, c’est d’être arrivé deuxième aux Francouvertes. Ça a fait mal sur le coup, mais c’est en regardant les commentaires et en les prenant en compte que le groupe a pu arriver avec Les tremblements s’immobilisent par la suite.»

Après un certain moment, on avait fait le tour de ce qu’on pouvait dire des Francouvertes, donc on est retournés à un sujet toujours aussi fertile : Groovy Aardvark.

L’an prochain, ça fera exactement 30 ans que le groupe a été créé, et l’an dernier, ça faisait exactement 20 ans que le classique du punk rock underground montréalais Eater’s Digest est paru. Si, à ses débuts, le groupe chantait exclusivement en anglais, il a rapidement vu sa popularité accroître quand il a switché à la langue de Francoeur.

«Entre 86 et 91, on avait pas vraiment d’exemple de groupes de notre genre qui chantaient en français. Y’avait Banlieue Rouge, mais on voulait pas le faire comme eux, à la Bérurier Noir. On voulait le faire en joual!» explique-t-il. «Y’a fallu que j’aille creuser jusqu’à Charlebois, Forestier pis Offenbach pour savoir que c’était possible de rocker en joual. Dès qu’on s’est mis à chanter en français, on a senti une plus grosse connexion avec le public, surtout en région. Les gens s’identifiaient quand on gueulait ‘’Y’A TU KELKUN QUI A UN PROBLÈME?»

Un show de célébration des trois décennies est prévu, probablement, au programme, possiblement aux Francos l’an prochain. «Laurent (i.e. le programmateur des Francos) est revenu à la charge pour un show comme on a fait au Métropolis y’a 10 ans, quand on a annoncé notre retraite. Si on le fait, le temps, va falloir qu’on l’invente. On va se rassembler la semaine prochaine pour en discuter. On veut pas trop faire languir Laurent.»

2016 sera un grosse année pour le musicien : en plus du show retour de Groovy et des Francouvertes, il prépare un nouvel album (et/ou quelques chansons) avec trois autres groupe : Grimskunk, Floating Widget et Aut’ Chose.

«Le band fête ses 40 ans cette année, donc on prépare des nouvelles chansons», dit-il, en parlant de la troupe à Francoeur, qui recevra un hommage au prochain GAMIQ. «Jacques Racine écrit plein de tounes, et Lucien planche là-dessus. Il est retraité, donc il a le temps et la motivation. Aux Francos, cette année, il était pas à son meilleur parce qu’il avait brossé un peu, mais il est vraiment très en forme. On va se l’avouer : y’est pas tenable, c’est comme un ado.»

Avant de partir, Vincent m’a fait visiter son espace jardin dans le coin de son salon, sur le bord de la fenêtre. On a pris 2-3 photos.

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