Dany Bédar, les polars et la terreur

Dany Bédar

Le meilleur de moi

db Disques

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Dany Bédar, à l’image de quelques-uns de ses collègues de la scène québécoise, a fait paraître un best of réinterprété. Un album qui, cependant, semble révéler des affinités aux sciences occultes que nous n’avions jamais décelées auparavant.

Cette galerie de titres réusinés au goût du jour commence avec une nouveauté, T’auras tout, destinée à son fils, Kalel Bédar. Si certains peuvent contester la volonté du chanteur de se transformer savamment en Nicolas Cage, l’intention derrière cette pièce introductive ne laisse personne dans le doute sur l’objectif derrière cet album. Les premières paroles indiquent: «J’ai laissé derrière moi / Tout un tas de souvenirs / Des amis, des amours et mon manteau de cuir». Ici, Bédar marque la fin de sa vie de bum pour plutôt s’occuper de son fils.

L’une des phrases plus loin nous indique l’idée occulte cachée derrière la chanson, voire l’album: «Un petit livre sans titre / est venu à mon secours». De suite, l’auditeur réalise que Bédar fait référence au best-seller Le Livre sans nom, polar paru anonymement sur le site lulu.com en 2006 mettant de l’avant les aventures de Bourbon Kid. Cet homme serait, d’après l’histoire, muni de pouvoirs ancestraux qui le rendraient incontrôlable et immortel lorsqu’il boit du bourbon.

On ne saurait dire si le «secours» emmené à Dany Bédar vient du côté prophétique de celui-ci, annonçant l’immortalité de sa progéniture, ou si ce dernier a pu l’aider à trouver un sens à son œuvre. Cependant, la suite de l’album relate évidemment le destin d’un personnage similaire à ce Bourbon Kid.

Sourire et Tant sont des lettres à des amis, référant à la consommation d’alcool comme clé du nouveau mode de vie quasi vampirique. «Avec le temps qui nous menace», indique le chanteur, invitant son interlocuteur à prendre «un verre pour m’engourdir». Oh, le doux engourdissement de l’immortalité. Même constat pour l’autre titre: «Tant qu’il y restera / Quelque chose à boire / Il y aura toujours / Un peu d’espoir / Entre le mal qui court / Et la plus belle histoire d’amour». On y voit les hauts (la possibilité de vivre les plus grandes romances) et les bas (la soif meurtrière engendrée par sa condition) de la vie du Bourbon Kid.

Plusieurs titres montrent un côté impératif, comme si le personnage mis en scène avait quelques pouvoirs vampiriques d’hypnose (Laisse-moi pas m’aimer tout seul, Écoute-moi donc, Regarde-moi, Prends ma main, Oublier). Si on peut reconnaître ici une appropriation et une sécurité engendrées par la condition du protagoniste, on voit aussi son accablement face à la malédiction qui le happe. Y’a du monde et Y’a personne se répondent, en miroir, avec le même propos. D’un côté, le personnage interprété par Bédar «en a plein le dos» de voir autant de gens circuler, ignorants de leur propre mortalité. De l’autre, c’est le constat que personne ne peut l’aider.

Quelques jalons narratifs se glissent ça et là pour construire la psychologie du Bourbon Kid vue par Dany Bédar. Son duo avec l’ami de Feu à Volonté Paul Daraîche marque son conflit intérieur entre les deux états proposés précédemment: «J’suis comme un arc-en-ciel en dedans / J’pleure pis j’ris en même temps». On présume que, chez Paul, la peine est causée par la séparation de Loud Lary Ajust.

L’album se termine par la célèbre Faire la paix avec l’amour, où, au final, Bourbon Kid assume sa pleine nature et apprend à s’aimer. On comprend enfin la nature du message: Bédar, en vampire immortel fonctionnant au fort, annonce à son fils premier-né sa nature et lui demande de l’accepter comme il est. Une version touchante et fantastique du message véhiculé par Éric Lapointe: «Môman, laisse pas ton p’tit gars devenir une rockstar».

Nous ne saurons jamais vraiment s’il s’agit d’une figure de style, d’une interprétation trop large ou d’une vraie confession sur double vie dans le royaume de l’occulte. Les admirateurs devront cependant espérer qu’il ne se retrouve pas sur le chemin de Sarah Michelle Gellar.