Louis-Philippe Gingras : une soupe Lipton pour ton cœur meurtri.

Louis-Philippe Gingras

Troisième rangée

Simone Records

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Louis-Philippe Gingras signe un assez pas pire deuxième album qui baigne dans un folk-country sincère, chaleureux et juste assez sale (dans le bon sens!)

Il aura fallu attendre trois grosses années après la sortie de son premier album, Traverse l’parc, pour que l’auteur-compositeur prépare l’arrivée de sa seconde offrande discographique. Après avoir fait face à de longues heures sur la route, des difficultés personnelles et l’annonce d’un diagnostic d’un trouble bipolaire, il s’est inspiré de son nouveau vécu pour refaire jaser sa guitare et couler son stylo. L’embryon artistique a finalement mené à l’accouchement sans césarienne ni sang de Troisième Rangée, son deuxième album.

De nouveau accompagné par Dany Placard pour assurer la réalisation, l’auteur-compositeur-interprète de Rouyn s’est occupé de rebrasser sa recette originale de folk-country tout en prenant soin, cette fois-ci, de l’enjoliver avec des arrangements de cordes et de cuivres. Le produit final a été annoncé comme étant «d’une nouvelle légèreté honnête et profonde». Paroles en l’air ou engagement, c’t’affaire-là?

Les promesses de l’album auront été tenues puisque dès les premières pièces (soit Tigre Géant, Le boat et Cap d’acier), Troisième Rangée se présente comme une dose réconfortante de folk-country comme il ne s’en fait pas assez. Armé d’un charisme invitant, d’une bonne vieille Telecaster un peu battue et d’un franc-parler qui sonne la du Maurier King Size, Gingras réussit à brosser des paysages urbains originaux mettant en vedette de sympathiques personnages un peu (pas mal) slacker sur les bords. Il nous présente le rawness d’un chantier de construction (Cap d’acier), une peine d’amour sur les lignes de métro (Jaune-orange), une rupture vécue dans la rangée des pickles d’une épicerie (Troisième rangée), etc. Un véritable Van Gogh des mots.

Pour la composition musicale, on le retrouve capable d’une versatilité tellement… versatile (c’est pour dire!) Ses élans saisissants de country nous donnent l’impression d’être dans un saloon en pleine turn up de cowboys sur Rahan. On retrouve également sa Telecaster présentant tantôt un folk doucement larmoyant sur Annie, tantôt un rock bluesy à saveur Bobépine (salut Plume!) sur Fruit Loops. Louis-Philippe a plusieurs cordes à son arc (et à sa guitare, heureusement) et ne se gêne pas une seule seconde pour le démontrer sur l’ensemble de Troisième Rangée. On parle tout de même d’un genre musical assez exploité par le passé, mais grâce à une composition à la sauce Gingras, on entend une couleur qui est unique (un genre de brun gravy, selon moi.)

Pour ce qui est de la production, les occasionnelles sections de cuivres et de cordes saupoudrées ici et là rehaussent efficacement le produit quand c’est le temps. Ces tracks donnent une valeur ajoutée et complémentent les morceaux déjà bien ficelés. Yessir Miller!

Parlant de complémenter, la talentueuse La Bronze ainsi que la génitrice du principal intéressé viennent toutes les deux apposer une délicate touche de ce qu’elles ont de mieux à offrir, soit, respectivement, la voix sur le très canin Parc à chien, et du piano sur Le boat. Deux apparitions qui ont l’effet d’une soupe Lipton sur l’âme (concentre-toi sur l’effet, pas le taux de sel.)

En somme, Troisième Rangée se veut un apaisant (mais surtout plaisant) exercice de folk-country moderne. En l’espace de 39 minutes, Louis-Philippe Gingras réussit avec brio à redonner une saveur actuelle à un genre ancré dans les traditions québécoises depuis belle lurette (shout out au festival western de St-Tite!) Il signe ici un deuxième album musicalement imagé, efficacement varié, bien senti et simplement authentique. Le tout est recouvert d’une sincère chaleur qui arrive juste à point pour te protéger de l’hiver qui prépare son entrée. Le sens du timing quand même!