2 dates Tinder au Verre bouteille pendant un show surprise de Philippe Brach

Dernier mardi soir de janvier. Fait frette. Élise et Marielle, n’ayant pas froid aux yeux (partout ailleurs, oui, par exemple) se dirigent toutes les deux à un rendez-vous: une date Tinder. Concours de circonstances ou coup du hasard, c’est au Verre bouteille qu’Élise et Marielle, sans s’être parlé, retrouvent leur dude respectif. Pintes de cidre et éclairages tamisés: de quoi satisfaire tous nos plateau-guys de ce monde.

NC_Lucas2

Lucas, 23 ans, personnage fictif

Par Élise Jetté et Marielle Normandin-Pageau

Marielle: «Je rejoins ma date Tinder que j’avais swipée à droite deux semaines avant le show. Je trouve que laisser deux semaines pour faire FULL connaissance en se parlant à travers un téléphone c’est assez. Pensez-vous?

À 19h15 j’embarque dans la 10 sud pis je me prépare mentalement à parler de ma dernière manucure et de mon dernier voyage à Cuba (lol, joke). Dire à quel point j’aime l’aventure et les animaux, ça, ça pogne toujours.

Parle-parle, jase-jase. À 20h30, les lumières s’éteignent tout d’un coup. Je me dis soudainement qu’il va me demander en mariage avec tout le kit: qu’on est filmés en 4K, une go pro pis des drones cachés un peu partout dans le bar. Je trouve ça précipité.»

Élise: «J’arrive au Verre bouteille en cherchant du regard Sébastien, 29 ans (non fictif). Comme c’est coutume, il a écrit sa grandeur sur son profil. Il est supposé être grand, donc facile à trouver. Mais il fait -10 dehors et je porte des lunettes: ça me prend un bon cinq minutes avant d’être fonctionnelle oculairement parlant.

Je finis par apercevoir Sébastien qui mesure clairement pas les six pieds qu’il avait promis, mais j’ai pas amené mon gallon à mesurer. Il commence tout de suite à parler de lui et de ses possessions. Ça fait 20 minutes qu’on jase et je sais déjà la marque de son char et son taux d’imposition de l’année fiscale passée.

Quand je vois Brach monter sur scène à l’improviste, je le prends personnel: il est venu pour me sauver.»

L’arrivée de Philippe

On s’imaginait bien des choses, mais jamais le rêve ultime: un show surprise de Philippe Brach pour nous aider à meubler la conversation de marde qui caractérise généralement une première date. Brach débarque sur scène avec Gabriel Desjardins et Guillaume Bourque pour une soirée musicale qui allait nous éviter de découvrir trop rapidement l’arbre généalogique complet de nos prétendants respectifs. Quelle tournure d’événement direz-vous. Nous aussi on trouve!

16491392_10154959276420489_717586144_o

Philippe Brach/Photo: Marielle NP

Brach nous fait une rapide mise en contexte: «Si vous vous demandez kessé le fuck qui se passe, bien on nous a demandé de faire un show pour les 30 ans du Verre bouteille! (Chuchotements dans la salle) Ha c’est les 20 ans? Bon ben on est arrivés en avance! Je vais faire pas mal juste des covers. C’est comme un gros karaoké où personne peut chanter sauf moi. La porte est juste à ma gauche si y’avait quoi que ce soit. Je vous rappelle que vous avez pas payé!»

Voici donc, chanson par chanson, ce qui s’est passé dans chacun de nos rendez-vous «galants»:

Fille de star – Gilles Dor

Marielle: Je me sens vraiment comme une fille de star. Je disais justement à mon gentil-Tinder-comparse que mon père est musicien.

Élise: Je dois expliquer à Sébastien, 29 ans, visiblement pas un mélomane, que ce n’est pas une chanson du répertoire de Brach. «Brach, c’est tu son vrai nom?», qu’il me répond.

Don’t Think Twice, It’s All Right – Bob Dylan

Marielle: J’aurais peut-être dû y penser deux fois avant d’accepter ce rendez-vous courtois. Je l’entends même pu. Je suis toutefois satisfaite d’assister à ce spectacle; mon précieux temps ne sera pas 100% perdu.

Élise: Sébastien est très confus: «Bob Dylan, c’est tu le gars qui avait repris une toune rap à La Voix en 2014?» Non.

50 Ways To Leave Your Lover – Paul Simon

Marielle: En écoutant quelques samples de Lars Ulrich, je suis en train de me demander avec quelle technique je vais devoir lui dire que je verrai clairement pu jamais ce cher Tinder comparse. Y’a bonne mine, mais ce n’est vraiment pas dans mes habitudes de m’introduire dans la vie de quelqu’un. Je vais lui dire de faire d’autres plans.

Élise: Je suis en train d’inventer une autre version de la toune dans ma tête: 50 Ways To Leave Your Bad Tinder Date. Ça fera fureur dans quelques années.

I’m Not In Love – 10CC

Marielle: C’est peut-être une phase… Mais je ne suis pas en amour. Ceci dit, si je t’appelle, fais-toi pas des accroires. Je ne suis pas en amour pis tu vas attendre longtemps pour moi (traduction libre).

Élise: Je suis déçue que Brach ne l’ait pas gardée pour la fin. L’effet dramatique de mon départ du bar à la fin devra se passer de soundtrack.

Honesty – Billy Joel

Marielle: Ce que je veux trouver sur Tinder (ou autre application pertinente) c’est quelqu’un en qui je peux croire. L’honnêteté en soi est très seule; surtout quand on est entouré de gens vides.

Élise: Sébastien se manifeste: «Y’est tu gai Billy Joel?» Je dépose mon front dans ma paume.

Calorifère – Philippe B

Marielle: Parlant d’honnêteté je ne peux pas m’empêcher de dire à mon fameux comparse qu’il a l’air d’avoir trop chaud. Des gouttes de sueur semblent lui couler jusque dans les yeux. Il me dit «ça ne me dérange pas. Je n’aime pas l’hiver pis j’aime ça quand les calorifères sont au maximum.»

Élise: Cette toune, c’est le plus proche de «hot» que cette soirée risque d’aller.

Rocky Raccoon – The Beatles

Marielle: Je regarde ma date et je me dis: «Parfait mélange entre une roche et un raton laveur.» 

Élise: Sébastien me demande de lui expliquer la toune qu’il comprend pas.

Nobody Cares About Railroads Anymore – Harry Nilsson

Élise: Sébastien m’explique que tous ses ancêtres masculins ont fabriqué des chemins de fer et il trouve ça donc ben insultant que «nobody cares about railroads anymore». «C’est viril, fabriquer des chemins de fer. C’est pas une fille qui pourrait faire ça», déclare-t-il. Je dépose encore mon front dans ma paume.

Downtown – Philippe Brach

Marielle: En regardant mon comparse aller pendant notre date je me dis que ma date aurait plus été du genre à aller downtown avec ses tchommes de gars pour get low avec des girls pis boire des vodka-orange-grenadine.

Élise: Philippe Brach dit: «Cette toune parle du centre-ville, mais j’ai pas eu mes subventions pour faire un EP en français, donc ça s’appelle Downtown.» Sébastien m’explique que le système de santé irait mieux si on n’avait pas à payer des guitares aux artistes avec nos taxes. Je dépose encore mon front dans ma paume.

Alice – Philippe Brach

Marielle: Je commence à chercher le prince charmant ailleurs dans la salle. 

Élise: Juste pour tester son adhérence aux idéologies de Trump, je dis à Sébastien que cette toune-là parle d’avortement. J’aurais dû fermer ma yeule.

Bonne Journée – Philippe Brach

À ce moment précis, on se reconnait toutes les deux dans la partie de la toune où ça dit que la vie c’est un peu de la marde.

ENTRACTE

Oh Canada

Après avoir pris une petite pause de 15 minutes, le band recommence en chantant le pays sur des airs mineurs.

Sébastien est le seul qui applaudit.

L’enterrement – Ricet Barrier 

Élise: Pour passer le temps, je commence à imaginer ma mort, mon cercueil et tout. Ça me semble haut en rebondissements par rapport à la conversation que je suis en train d’avoir.

The Magician – Andy Shauf

Marielle: Je me retourne vers mon Tinder-Companion et j’engendre une discussion concernant une possible carrière en tant que liseuse de carte. Toujours enduit de sueur, il me raconte qu’à 20 ans, il n’avait aucun plan concret pour sa carrière. C’est simple: le futur l’a doucement amené à devenir magicien.

You’ve Got A Friend In Me – Randy Newman (chanson de Toy Story)

Élise: Sébastien n’a jamais vu Toy Story. Oui, c’est un deal breaker.

Atoms For Peace – Thom Yorke

Marielle: Mon mec me raconte son cheminement en tant que magicien et sa rencontre avec Luc Langevin. Je commence à croire qu’il me raconte beaucoup de mensonges sur sa vie. Mais apparemment «mytho(mane) is the new black».

Élise: Sébastien veut savoir si Thom Yorke s’appelle comme ça parce qu’il vient de New York. J’aurais dû me douter que s’il ne savait pas différencier «ça» et «sa» à l’écrit, il n’allait pas être plus vif d’esprit en vrai.

Le cinéma des vieux garçons – Fred Fortin

Marielle: Mon comparse me dit que j’ai «l’air d’une star de cinéma dans ma robe de grandes occasions». En fait c’est une robe en coton de H&M collection 2008 que je porte pas mal tous les jours. Je le remercie du compliment, certes, malgré le malaise qui m’accable instantanément.

Élise: Sébastien prend la balle au bond et m’invite au cinéma plus tard cette semaine. Il m’annonce qu’il a beaucoup aimé Nitro Rush. Il a le poster dans sa chambre.

Sunny Afternoon – The Kinks

Marielle: Le gentilhomme me tenant fièrement compagnie me parle d’un voyage qu’il aimerait faire en yacht en compagnie de son père l’été prochain. Il continue de m’en parler et mon esprit ne peut faire autre chose que de penser à mon manque de Vitamine D.

Élise: Sébastien me fait un commentaire sur le t-shirt de Yoko Ono que porte Philippe Brach. Il demande si c’est sa manière de prendre position en faveur du féminisme. Il n’aime pas ben ben ça, les féministes, lui.

16507340_10154959276365489_55828556_n

Philippe Brach/Photo: Marielle NP

Le bonheur tousse moins qu’avant – Philippe Brach

Marielle: J’ai peine à entendre ce que mon Tinder-lover me raconte. Je blâme mon acouphène qui prend toujours possession de mon ouïe lorsque j’essaie d’écouter un être gris. J’agrippe le moment en me disant que le temps avance vite et que dans moins de 2 heures je me tortillerai dans mes couvertures de flanelle en regardant mon plafond. Yes.

Nouvelle toune de Brach

Élise: Sébastien parle par-dessus cette nouvelle chanson que j’aime beaucoup. Je me fais une liste mentale de toutes les choses que je pourrais être en train de faire plutôt qu’être en date avec lui. Laver mon bain, écrire une lettre à un prisonnier d’opinion, etc…

Crystel – Philippe Brach

Marielle: Chaque fois que ma date s’en va aux toilettes pis que je me retrouve concentrée sur la prestation, il revient s’asseoir en face de moi au moment où je l’espérais pus.

L’amour au temps du cancer – Philippe Brach

Élise: Sébastien me raconte les traitements de chimiothérapie de son chat nommé Croquette.

I’m So Tired (en français) – The Beatles

Marielle: Je regarde mon mec aller au loin sur Mont-Royal. Sa silhouette s’évapore doucement tandis que le sommeil me berce sans l’ombre d’un remords. 

Élise: Je simule une fatigue extrême. Je dis même que je suis «au bout du rouleau», pour reprendre les mots de Brach dans sa traduction. On peut ainsi mettre un terme à ce rendez-vous dont la véritable fin sera le moment où j’arriverai à la maison, 10 minutes plus tard, et que je bloquerai sans peine son profil.

Au cas où c’était pas clair: C’est Brach qui a sauvé la soirée.