Jean-Michel Blais : on devrait toujours mettre le piano sur le toit

C’est devant un coucher de soleil à couper le souffle, sur les toits du Mile End, que Jean-Michel Blais a hypnotisé les quelques fidèles qui avaient réussi à obtenir des billets pour son spectacle sur le toit d’Ubisoft. Juste avant, la voix feutrée de Wilsen, en solo, a installé le calme et l’apaisement qui allaient suivre. Un 6 à 9 chaleureux malgré les premiers signes de fraîcheur de l’automne.

Le coucher de soleil/Photo: Élise Jetté

Le coucher de soleil/Photo: Élise Jetté

À mon arrivée chez Ubisoft, on m’indique un escalier et un monte-charge. Comme je me considère assez athlétique, j’opte pour l’escalier éternel qui me mène sur la terrasse d’Ubisoft. Wilsen est déjà en prestation au moment où je fais mon entrée (ou ma sortie, comme c’est le toit) et je pense que les manifestations de mon essoufflement enterrent un peu la performance intime. La terrasse d’Ubisoft, de la superficie approximative d’un grand 6 1/2 sans les murs, est remplie à pleine capacité.

Wilsen enchaîne les pièces de I Go Missing In My Sleep, paru en avril dernier chez Secret City Records. En solo plutôt qu’en version full band, sa voix occupe tout l’espace et on s’y plonge sans se faire prier. La prestation toute simple est vaporeuse et réconfortante. C’est la pièce Dusk (crépuscule) qui est la plus à propos.

Wilsen/Photo: Élise Jetté

Wilsen/Photo: Élise Jetté

Une petite excursion aux toilettes durant la pause me permettra de voir ce tableau où les gens de l’établissement peuvent écrire des messages inspirationnels.

Caca/Photo: Élise Jetté

Caca/Photo: Élise Jetté

Puis c’est l’installation progressive d’un silence complet qui nous indique que Jean-Michel Blais est désormais assis derrière son piano, prêt à commencer.

Jean-Michel Blais/Photo: Élise Jetté

Jean-Michel Blais/Photo: Élise Jetté

Sans un mot, il entame les pièces de il, son album sortie en octobre 2016. Celui que l’on appelle le génie, le virtuose ou sûrement J-M pour les intimes, propose un enchaînement de plusieurs pièces sans qu’un seul mot ne soit prononcé, autant de son côté que parmi le public.

«Vous pensiez que je parlerais jamais», finit-il par dire après avoir donné l’impression que, effectivement, c’était un show muet. «Vous devez tous vous demander comment le piano à queue s’est rendu sur le toit. Moi aussi!», ajoute-t-il avant de nous expliquer que le set list a été créé en fonction de la quantité de lumière qu’il nous restera selon l’heure de la soirée. La musique se mariera donc au paysage jusqu’à la totale obscurité.

Un peu plus tard, il fait une nouvelle pause pour nous expliquer que la pièce qui s’en vient, Ad Claritatem Domine, est une pièce composée sous forme de thèmes et variations. «Pour ceux qui ne savent pas ce que c’est, c’est comme un motif en arrière-plan que l’on répète dans la musique. J’ai décidé ici de le ralentir pour voir ce que ça ferait. C’est donc comme un jeu pour vous d’essayer de retrouver le motif qui se répète.» Comme quoi, c’est pas tout le monde qui s’amuse vraiment avec le jeu de Monopoly.

Il nous envoie ensuite une pièce inspirée du poème Monde irrémédiable désert d’Hector de Saint-Denys Garneau:

«Dans ma main
Le bout cassé de tous les chemins Quand est-ce qu’on a laissé tomber les amarres
Comment est-ce qu’on a perdu tous les chemins»

Durant toutes les interprétations, on peut entendre une mouche voler ou une voiture klaxonner. Le silence du toit est entier. «Prenez le temps d’écouter le featuring de la bouche d’aération et des avions qui passent», nous dit d’ailleurs Jean-Michel Blais.

Habitué à toujours avoir «un mur à gauche» étant donné qu’un pianiste est toujours de côté sur une scène, le musicien prend une pause pour s’émerveiller devant la ville qui s’assombrit durant la prestation. Puis, il conclut son spectacle avec un cover de Philip Glass, Opening.

Et la nuit s’amorce. Il ne reste qu’un piano et on ignore totalement comment ils le descendront du toit.

Le piano/Photo: Élise Jetté

Le piano/Photo: Élise Jetté