Oktoplut: plus normal que démoniaque

Oktoplut

Le démon normal

Slam Disques

***

Oktoplut: plus normal que démoniaque

Il n’y a rien de plus plate que du rock québécois.

Attendez. Stop. On recommence.

Il n’y a rien de plus plate que du rock québécois en français.

Hmm. C’est pas mieux. Je vais me reprendre autrement.

Oktoplut est probablement le projet le plus éclectique et audacieux de l’écurie Slam Disques. Cette étiquette est, elle-même, la plus dans le champ gauche parmi celles qui proposent du punk et du rock radio-friendly. Avec Le démon normal, deuxième LP de la formation, Oktoplut veut montrer qu’il peut régner en roi et maître dans sa catégorie.

Pas beaucoup de blast beats en français? Ils sont là pour vous. Du stoner de qualité? Ils l’ont. Du punk rock redoutable? Oktoplut est présent.

Le problème est qu’au final, à force de vouloir faire feu de tout bois, on étouffe parfois le foyer.

D’entrée de jeu, l’album nous lance avec Héros ou ennemi, qui n’a rien à voir avec les Beach Boys, mais plutôt avec un son punk rock auquel le groupe nous a habitués avec ses efforts passés. Puis vient Errer, une balade stoner. Puis Le calme pivote, dans le sillon du premier titre, mais qui magnifie tout le potentiel du duo. S’en suivra Dépossédé, un brûlot hardcore qui apparaît comme un cheveu sur la soupe et ensuite la ballade non-stoner-cette-fois-ci Laissez-moi. Le magnum opus de l’album Océan 12 et propose un moment exploratoire qui s’apparente à rien d’autre sur l’album, qui est complété par des titres rocks constellés ça et là.

Chacun d’eux est probablement l’un des exemples les plus probants de ce que peut offrir le groupe dans chacun des genres auxquels il souhaite toucher. À en croire Le démon normal, il pourrait toucher au folk et avoir une offre raisonnablement intéressante: à la fois meilleur nageur, meilleur cycliste et meilleur marathonien. Mais il ne parvient pas à convaincre qu’il est bon en triathlon.

Et c’est là que je veux en venir avec mon introduction. Celles et ceux qui ont grandi dans un coin de pays où il n’est pas rare de voir le Radio X Band jouer dans les activités de la rentrée de la polyvalente savent de quoi je parle. Il y a les Chocolat qui gagnent le prix pour l’album rock de l’année à l’ADISQ en jetant tout le monde à terre. C’est une exception.

La majorité, ce sont des groupes inspirés du post-grunge ou qui n’ont jamais vraiment compris qu’il y a eu une vie après les premiers albums de Groovy Aardvark et de ZébulonGros Mené et Arseniq33 ne font pas tant partie de leur bagage des années 90, donc imaginez le reste. Les guitares sont saturées de manière étrange et les voix, souvent faibles au niveau du timbre et de la justesse, sont mixées vingt-cinq fois trop fort, ce qui fait qu’on est trop exposés aux paroles souvent insipides. La révolution Malajube, c’est surtout d’avoir compris comment mixer une voix en fonction du genre exécuté.

Bref, dans un environnement comme celui-ci, Slam Disques excelle: en utilisant certains codes de la radio commerciale, notamment une certaine forme de mix où la voix n’est pas vingt-cinq fois trop en avant, mais quand même un peu plus qu’en moyenne, et avec des hooks particulièrement efficaces, leurs artistes ont souvent le champ libre pour faire une révolution lente. Dans leur écurie, Oktoplut doit être le projet le plus audacieux, pour le meilleur ou pour le pire.

Malheureusement, damer le pion de toute la compétition sans se concentrer sur un produit avec une direction précise ne permet pas aux albums de rester mémorables. Si La sorcière de roche nous aura appris quelque chose, c’est qu’Oktoplut brille en concentrant ses efforts dans une direction. Un opus qui rassemble les titres rapides des deux derniers albums et un qui rassemble les titres lents et/ou pesants aurait probablement été meilleur pour l’appréciation.

Du reste, si vous aimez la course, la natation et le cyclisme sans aimer les Ironman…