Un tête-à-tête magique au Scores avec Félix Dyotte

Publié le 04 novembre 2018 par Feuavolonte @Feuavolonte

Rendue au Scores en cette typique journée d’automne,  je rentre et j’aperçois tout de suite Félix Dyotte, assis à deux bras du bar à salade et à cinq bras de la porte d’entrée.

L’endroit / Photo: Marielle Normandin Pageau

**CECI N’A PAS ÉTÉ COMMANDITÉ PAR UN RESTO DE POULET. ON TROUVAIT JUSTE ÇA DRÔLE DE MANGER LÀ**

Je m’apprête à vivre un désir: faire une entrevue au Scores. Si cela sème des questionnements en vous, Félix en avait aussi et je n’ai pas su comment lui répondre. Mais les deux heures de conversation ont prouvé que c’est un endroit rafraîchissant et qui aspire aux conversations. Ce qui est parfait de cet entretien, c’est que non seulement je peux manger une cuisse bien grasse, mais j’utilise toute mon empathie sans me sentir mal de trop poser de questions.

On commence en jasant des anciens emplois de Félix, notamment en tant que libraire. Il a tripé ben raide à faire ça, mais des fois c’était très très plate. Il a su trouver des diversions, surtout lors de son emploi à la grande bibliothèque, dans la salle d’archives, en lisant de vieux journaux, entre autres.

Félix commande un club sandwich je commande une cuisse. Notre serveur très «drôle» me demande si je veux la cuisse droite ou gauche. Est-ce un espion russe?

Je mentionne à Félix  qu’il m’avait déjà dit qu’il avait fait trop de tounes pour son album Politesses que qu’il allait devoir en sortir d’autres plus tard.

—- On demande plus de mayo —–

«Je pense que je suis parti pour faire ça toute ma vie. Sortir des tounes de plus.»

Je lui demande s’ils avaient mixé les tounes en même temps que pour Politesses. Ça a été mixé tout récemment. On tombe sur d’autres sujets. Naturellement et les doigts bien graisseux.

«… anyway les mixeurs sont toujours occupés. En fait tout le monde est tout le temps occupé. T’es occupée toi?»

«Pas pire. Mais pourquoi toi t’es occupé?»

«Hier j’ai pratiquement fini un album que j’ai écrit et réalisé pour la comédienne Évelyne Brochu

«T’es ami avec elle, right?»

«On a sorti ensemble à 17-18 ans. On a cassé au téléphone pis le lendemain on s’est vus.»

J’imagine le jeune Félix Dyotte, à cet âge-là, et quelques questions me viennent en tête. Il me partage donc ses impressions sur son enfance.

«J’ai grandi à l’ouest de l’île de Montréal. C’est vraiment anglo, c’est un peu comme vivre aux États-Unis ou dans une petite ville de la Nouvelle-Angleterre. Vivre dans le Maine, genre. Grands arbres, chic pis les gens sont straights en criss. Pas straight méchants, mais quand j’étais petit, ça me faisait peur.»

«Pourquoi?»

«Parce que moi, mes parents, c’étaient des criss de hippies. Les voisins se plaignaient que mes parents ne coupaient pas assez le gazon. Faut être intense… et très conservateur.

«Côté musique, à l’adolescence, c’était quoi tes goûts? Punk? …T’es allé au Vans Warped Tour?»

«Oui! J’écoutais beaucoup Rancid. L’album …And Out Come the Wolves… Tellement bon. Très jeune j’écoutais genre les meilleurs bands. J’avais des cousins qui écoutaient de la musique que j’écoute encore aujourd’hui. Des classiques.»

« Comme quoi?»

«À 11 ans j’écoutais The Smiths, The Clash, Elvis Costello. J’ai découvert les Sex Pistols à cet âge-là… Les BeatlesBob Dylan. Pis Velvet Underground. À 11 ans je connaissais toute l’œuvre de Velvet Underground

Pour lui, faire de la musique «c’est tellement plus que thérapeutique… Vital c’est même pas le mot. Comme, c’est sûr que si je créais rien, ne serait-ce que quelques jours… Je saurais pu comment fonctionner.  Je ferais un autre art, c’est sûr.»

Félix continue en expliquant son high de bonheur lorsqu’il crée. Pis il crée beaucoup, je vous le confirme. J’ai vu ses dossiers dans son Google Drive. L’usine à Dyotte.

«Quand t’as comme une entrebâillure de quelque chose qui pourrait être bon, c’est tellement plus excitant que quand c’est fini. Le monde me demande si je suis excité quand l’album sort. Mais pour moi, la VRAIE excitation c’est le moment quand j’ai un petit air en tête qui pourrait être une bonne toune. Pis après … It’s all downhill from there. Hahaha. Non mais pour vrai on parle pas assez de ça. On parle beaucoup de récompense à l’artiste. Mais le moment où tu saisis l’idée et tu la développes, c’est là que tu te sens plus grand nature.»

«Tu fais quoi quand t’as cette idée-là?»

«Je la note dans mon téléphone. Ça peut prendre des mois. J’en ai tout le temps. Je deviens facilement bored. Et quand je deviens bored je change de toune. Je reviens inévitablement à l’autre toune parce que c’est un entraînement. Comme dans n’importe quoi. Si je me mets à pratiquer telle toune, je gosse dessus et elle évolue chaque fois. J’y repenserai naturellement.»

«Y’a-t-il un featuring que t’aimerais éventuellement faire? De quoi de random.»

«Alanis Obomsawin. C’est une Abénaquise. Est tellement cool. Depuis les années 60, elle est engagée dans le droit des Amérindiens. Elle est beaucoup plus dans le cinéma – elle travaillait avec l’ONF, mais elle a fait un album en 1988. Ce serait avec elle.»

«J’ai remarqué que la géométrie de l’image est très présente dans tes clips ou tes photos.»

«Oui c’est vrai. Jeanne [Joly] est vraiment bonne avec ça. Très rigide sur les couleurs et les formes. J’aime toujours le résultat que ça fait.»

Dans une autre ligne d’idée (lol), Félix et moi jasons de l’hiver qui approche et de la routine qui risque de nous envahir et de nous posséder (on n’en parle pas en bien). Nous parlons longtemps de notre passion commune pour le voyage en solo. Les moments de solitude, les moments de «méditations sans méditer» pis notre passion pour l’analyse des gens quand on est dans une foule.

Ne pouvant pas rester à Montréal tout l’hiver, Félix m’annonce qu’il a spontanément écrit à son booker en Italie ce matin. «J’y ai dit « veux-tu me booker une tournée en février parce que je peux pas rester ici. » Y’a répondu « I’ll try do to a miracle. »»

On sort du Scores le ventre bien rempli de protéines et de gras trans. Une expérience inoubliable dans le monde de l’entrevue journalistique. Merci à Félix de s’être donné cuisse et poitrine.

Félix qui boit son espresso en good sir / Photo: Marielle Normandin Pageau

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