5) La chanson qui met des frissons dans le dos

Publié le 08 mars 2019 par Juthova

Lorsqu'elle a enregistré sa version de Sinner Man, devenu Sinnerman pour l'occasion, en 1965, Nina Simone a tué cette chanson en même temps qu'elle l'a sublimée. Elle l'a définitivement cannibalisée. À partir de là, on a même rapidement oublié que la chanson n'est pas une composition de Simone, mais un bon vieux classique chanté depuis l'orée du XXe siècle dans les églises noires des États-Unis. Une chanson qui n'a pas d'auteur précis et dont les couplets et la mélodie semblent s'être dans leurs grandes lignes figés pendant ou après la guerre de Sécession, en empruntant aux spirituals noirs autant qu'à des rythmiques importées d'Europe.
La version des Black Diamond Heavies ne prétend pas remplacer celle de Nina Simone, et d'ailleurs elle en reprend le motif de piano en ouverture et l'organisation générale. Mais les trois gars de Nashville, aidés par la production de Dan Auerbach (The Black Keys), sont eux aussi prêts à en découdre avec le Ciel depuis leurs bas-fonds qui sentent la bière collante et les frites froides. Le Fender a mal vécu le dernier concert et sonne mieux que jamais, écho fascinant aux claviers épuisés qui équipaient les paroisses américaines où Nina Simone a fait ses classes, poussés à fond pour atteindre les derniers rangs et qui, au passage, se salissaient en grésillements rock. Par dessus, James Leg grogne comme un ivrogne à bon fond, touchant sous la carapace de cuir, prenant à partie son Dieu pour - en gros - lui dire d'aller se faire foutre. Pas de "Lord, hear me prayin" ni de "Don't you know I need you Lord" ici : les Black Diamond Heavies sont perdus pour le pardon, et leur version de "Sinnerman" achève de détacher la chanson de ses racines Negro spititual pour n'en garder que la transe combative, prête à mordre.

Et en live...(désolé pour le son)