La Reine Dominique Fils-Aimé

Publié le 17 novembre 2019 par Feuavolonte @Feuavolonte

Cette année, Dominique Fils-Aimé a été nommée pour le prix Polaris et a gagné le Félix d’Album jazz de l’année avec Stay Tuned!. Je suis allée l’écouter full band à la Cinquième salle de la Place des Arts.

La salle comble est fébrile dans l’attente du début du spectacle. J’observe un public plutôt hétérogène, contenant plusieurs quadragénaires aux allures érudites, mais aussi quelques jeunes hipsters de mon âge. Mon voisin de gauche me jase ça et il est ben fin, malgré mes allures de sauvage dans mon coin. Dominique arrive sur scène et se présente d’une voix douce et posée, vêtue d’une robe noire satinée majestueuse. Elle est tellement sweet que j’ai déjà envie d’être son amie. 

Dominique Fils-Aimé/Photo: Sara-Danielle Faucher

Les lumières sur scène s’éteignent et la chanteuse commence a capella, dans le noir.  Elle nous invite dans son univers particulier de blues-jazz-roots, d’une voix grave et suave. Lorsque la lumière revient, on voit Dominique assise par terre accompagnée d’une danseuse (qui ne sera présente qu’à quelques moments clés d’ailleurs), et on ne détecte que vaguement les contours des musiciens (claviers multiples, batterie, basse, guitare électrique). C’est le début d’un spectacle immersif en quasi continu, contenant peu d’interruptions, avec une gradation ingénieuse en intensité. Les chansons douces dénudées du début laissent place à des arrangements de band qui groovent, avec des punchs bien placés. La mise en scène est toute simple: la front-woman bouge peu, bien solide devant son micro sur pied, mais chaque mouvement est bien placé. Elle fait virevolter sa robe au bon moment, danse doucement, se déplace pour laisser la danseuse briller. 

La pièce Fire introduit une trompette sur scène et étoffe la proposition mélodique. On sent le retour aux sources que Dominique prône dans ses albums, le style jazz-blues qui la démarque si bien. Le band est en symbiose, et je suis bien contente de voir une femme qui assure aux drums. La fin de la chanson marque une première pause dans le show, et la foule peut enfin s’extasier en applaudissements et en cris de joie. On continue dans une ambiance moins épurée, où Dominique laisse place à des solos instrumentaux, une tradition du jazz. 

La danseuse revient sur scène pour Gun Burial, une chanson puissante où Fils-Aimé chante «You don’t treat me like the queen we both know I’ll always be». Elle montre une confiance profonde en toute humilité; c’est beau à voir. Elle se retire pour laisser place à la danseuse au centre, qui se lâche lousse sur un solide solo de batterie. S’ensuit une séquence théâtrale wow, où Dominique revient pour abrier de sa longue traîne la danseuse inerte étalée par terre. 

Big Man Do Cry est une autre pièce que j’ai aimée, qui a des airs du grand classique Cry Me a River (subtile reprise? Je sais pas, mais j’achète quand même). 

Le groupe joue ensuite quelques tounes funky-groovy, pour ensuite revenir à la voix presque seule. Ça laisse place à l’interprétation authentique de Dominique. La danseuse fait sa troisième apparition et elle est si près de la chanteuse qu’on dirait son alter ego, reflétant ses mouvements de façon gracieuse.

Le spectacle se termine sur une chanson qu’elle nous présente comme joyeuse (une des rares fois où elle parle), contrairement à ses autres chansons plutôt dark. C’est une célébration de la joie de guérir de ses blessures et d’être entourée des gens qu’on aime. 

Après un standing ovation, elle ne se fait pas attendre pour des rappels (moment awkward stagé que tout le hait, on va se le dire) et nous en redonne tout de suite. Deux pièces en duo et une autre où son band revient pour nous interpréter son dernier single, qui sortait à minuit ce soir-là.

C’était un show excellent, qui m’a fait vivre des émotions fortes avec des musiciens au talent incroyable et des chansons magnifiquement interprétées. Le tout mené par une artiste accomplie, à la personnalité attachante et à la voix poignante, vulnérable et puissante à la fois.