Dom La Nena

Ela

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Six Degrees/Universal
Sortie : Février 2013

C’est une histoire d’exil et de mémoire, sur laquelle soufflent à la fois un vent de liberté et un parfum de nostalgie. C’est un voyage intérieur dans l’espace et le temps, à mi-chemin du réel et de l’imaginaire. C’est une musique comme seul le cœur des déracinés sait en inventer. C’est la musique de Dom La Nena, dont la vie sans attaches tisse en filigrane, par petites touches suggestives, la trame de son premier album, Ela.

Dom (de son vrai nom Dominique Pinto) est née en 1989 à Porto Alegre. C’est là, dans cette métropole ronronnant au sud du Brésil, qu’elle s’abandonne très tôt aux charmes de la musique. Elle découvre et explore alors les richesses du piano, puis du violoncelle, qui deviendra son indéfectible compagnon de route. Mais c’est sous d’autres cieux que se jouera l’essentiel de son apprentissage. D’abord à Paris, où elle vivra cinq années de son enfance ; puis à Buenos Aires où, adolescente, elle partira se forger son destin d’instrumentiste auprès de sommités du violoncelle comme la grande Christine Walevska.
De cette odyssée de jeunesse, entre parcours initiatique et éducation musicale, Dom La Nena a tiré la partition intime des chansons d’Ela, des chansons si proches d’elle qu’elle a préféré un temps les garder secrètes. Ela, pourtant, n’entre pas dans le registre rebattu de la confession autobiographique. Mais c’est bien à travers un prisme expressif éminemment personnel que Dom, d’une voix nue et dénuée de tout effet tapageur, fait passer sa propre histoire. Mêlant réminiscences, images, évocations et éléments de pure fiction, ses textes semblent emprunter autant à la mécanique poétique du souvenir qu’à la mystérieuse science des rêves.
Et c’est ainsi, sans jamais s’abaisser à la moindre impudeur, que la musicienne, effectivement, se dévoile, à nulle autre pareille, dans toute l’évidence de sa singularité.
Qu’elles revêtent les atours d’une valse (”Anjo Gabriel”, “Dessa Vez”, “Buenos Aires”) ou adoptent le tempérament d’une comptine (”Você”, “Cançao Boba”), qu’elles se laissent entraîner dans le tourbillon d’une danse (”Batuque”, “Sambinha”) ou dans des humeurs plus songeuses (”Conto de Fadas”, “Menina Dos Olhos Azuis”), les chansons de Dom La Nena relèvent toutes de la ritournelle, au sens premier et profond du terme. Tout en elles invite en effet à une forme de retour : retour sur soi comme à l’essence même du jeu, du chant et du geste musicaux, retour aux sources sensibles de l’enfance comme sur le temps écoulé. De leurs mélodies s’exhalent ainsi la naïveté des primes années comme la mélancolie diffuse qui accompagne toute entrée dans l’âge adulte, la fraîcheur des origines comme les subtiles fragrances de la saudade.
En panachant éclats de lumière et plages d’ombre, Dom parvient aussi à mêler les sentiments contrastés qui fondent sa condition d’apatride.
“No Meu País” ou l’ultime “Saudade” retranscrivent ainsi ce doux déchirement qu’imprime la distance avec la terre natale, et cet écart insondable qui, au fil du temps, se creuse avec elle.
Un album poignant et réussi !