Don Cavalli

Temperamental

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Rag/Because
Sortie : Février 2013

Cinq ans après son premier album, Cryland, salué par la critique des deux côtés de la Manche, Don Cavalleri revient avec un rock protéiforme et du groove aux accents blues. Temperamental, le titre de son nouvel ovni, cyclothimique, capricieux et changeant, reflète l’humeur de l’époque, avec ses hauts et ses débats. On y retrouve le Don tel qu’il y a 5 ans, avec ses cordes subtiles, sa guitare débauchée et sa voix déglinguée rehaussée de falsetto bien sentis… un miel de crooner gospel aux accents swamp trempés dans le bayou.

Tout a commencé il y a un quart de siècle. L’adolescent né à Paris et grandi en périphérie (à Bonneuil) enfourche la guitare en autodidacte, se fait la main, et puis la voix, tout à l’oreille. Il en gardera un doigté original, un style en open tuning qui ne ressemble à rien d’autre qu’à lui…
Lui, Fabrice pour l’état-civil, a.k.a Don Cavalli, amoureux des grands espaces qu’offre la musique américaine, des sentiments partagés, des mélodies simples et fougueuses, un dingue de Bill Monroe et Bob Marley, qui va écumer sans relâche le circuit des adeptes du rockabilly des 50’s.
Des kilowatts de concerts et quelques sillons discographiques plus tard, il se taille une belle réputation, mais choisit de tracer sa route. L’avenir est ailleurs. Pas envie de jouer dans la redite, quitte à être hors limite. Eh oui, il est comme ça le Don !
Du coup, alors que les États-Unis sont tout ouïe, et que Ben Harper le convie à assurer sa première partie à l’Olympia (bientôt suivi par Jack Johnson et autres Black Keys !), Don Cavalli continue son bonhomme de chemin, hors des modes, tout en assurant son pain quotidien en allant au turbin (chantiers en intérim, croque-mort, jardinier).
Mais derrière les portes (de studio), Don Cavalli zigzague entre mille et une sonorités, et nous les livre pêle-mêle sur son nouvel opus, Temperamental.
Une touche d’électro par-ci, un trait d’humour grinçant par-là (“Me And My Baby”), deux doigts de hip-hop et de sitar (“Feel Not Welcome”), un peu de psyché pop et beaucoup de senteurs orientales, le Don divague au gré des tempos, pied au plancher pour démarrer, ou ballade plus posée pour en appeler à “Santa Rita”.
Et malgré cette profusion de pistes dans lequel beaucoup se perdraient, il va à chaque fois à l’essentiel, à l’os.
Douze titres, trente-six minutes, deux faces d’un LP, ni plus, pas moins.
Et comme au bon vieux temps du vinyle, la réalisation en arrière-plan joue les premiers rôles, au service de la voix : rauque et soul, dépouillée et sophistiquée, sans fard ostentatoire, comme sur le bluegrass joyeusement décalé de “Birthday Suit”, où Don Cavalli enfile le costard de cow-boy pour déclarer : « Solitude, je suis marié avec ma solitude. »
Un répertoire en anglais, parce que voyez-vous, « avec deux mots, tu fais une phrase ! », explique Don.
D’un trait, il signe un chapelet de textes, ancrés dans la vie d’ici-bas, et de l’au-delà aussi, pour ce disciple du tout-puissant gospel. Entre les lignes, un peu de douce-amertume, un brin âpre, un rien de nostalgie, mais pas de quoi sombrer dans la grande dépression. Même lorsqu’il part à la dérive sur une sublime murder song (“Say Little Girl”), un dialogue avec Rosemary de Moriarty au bord du précipice. Même dans cet hymne à l’amour impossible (“The Greatest”) qu’il entonne encore la Chinoise, Zhan Xiao Li.
Et histoire de draper ses chansons du panache qu’elles méritent, Cavalli a fait appel au talent du metteur en sons, Vincent Talpaert, pour met une nouvelle fois plus que son grain de sel, à la batterie, à la basse, et aux manettes (faut rentabiliser !)… en résulte une prod rustique et un son nourri de la culture de la boucle ; un cumbo à base de psyché-blues bien épicé.